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La Technique Alexander à Radio France


 

Une prise de conscience du geste de musicien peut à long terme éviter les douleurs, les crispations ou même les pathologies, c'est ce que préconise la technique Alexander. Explications.

« Avant de jouer, essayez de voir si vous sentez bien vos pieds au sol, si votre bassin est bien posé sur le tabouret, comment sont vos épaules, contractés ou non, et je vous laisse jouer…essayer d’imaginer que votre tête est un ballon qui flotte au-dessus d’une colonne vertébrale solide et vos bras libres de mouvement…si vous pensez à cela, vous avez une autre conscience de votre dos, qui est en fait votre structure. Vous avez l’idée d’un squelette simplifié, une structure solide qui permet aux membres de rester libres. »

 

Je suis à Musicora à Paris, installée sur le tabouret d’un beau Steinway et sur le point de servir de cobaye pour une séance improvisée de la technique Alexander. Alexandra Fridricci, professeur, a accepté d’analyser mes habitudes au piano et de me donner quelques conseils pour les besoins de cet article.

Je me penche légèrement et pose les mains sur le clavier. Une main délicate m’engage à reculer et à redresser mon dos. « Sans chercher à forcer… » et à me tenir à une légère distance du piano. C’est vrai, je n’y aurai pas pensé…

« Pour les pianistes, ce qui arrive souvent, c’est que, lorsque vous êtes happé par le déchiffrage d’une partition, par exemple, votre cou part en avant. Vous vous penchez, et votre tête, qui pèse quand même cinq kilos, tire sur la colonne vertébrale, fait travailler les muscles du dos et brise l’équilibre de la structure. D’où la contraction et la douleur. Avec la technique Alexander, vous apprenez à rester dans votre axe et à éviter les efforts musculaires qui parasitent le jeu. »

A l’origine, la technique Alexander n’est pas spécifiquement destinée aux musiciens. C’est une technique de rééducation psychophysique que l’on a tendance à associer plus avec la formation des comédiens, mais qui est en fait une rééducation de notre façon de vivre notre corps. Individualisée, elle peut être enseignée dès le plus jeune âge.

« On s’adresse à la personne avec ses problématiques propres, sa façon de bouger et ses habitudes comportementales dans la globalité,» explique Véronique Marco, professeur de la technique Alexander et présidente de l’APTA.

« Mathias Alexander, fondateur, est parti de l’idée que la pensée cordonnait le corps. Par conséquent, on travaille le corps en activant la conscience. On va se poser la question : qu’est-ce que je fais au moment où je le fais ? Quelle est mon habitude et qu’est-ce que je mets en place? Comment je peux optimiser tout cela pour ne pas avoir mal ou avoir une posture plus naturelle ? »

Les pathologies des musiciens, un sujet encore tabou

Présents au salon Musicora, les professeurs de la technique Alexander viennent rappeler que la pratique de la musique peut faire souffrir :

« C’est un peu tabou parce que si on souffre, cela peut vouloir dire qu’on n’a pas une si bonne technique, ce qui est tout à fait faux. C’est juste que la technique Alexander n’est pas suffisamment enseignée dans les conservatoires, alors qu’elle peut accompagner l’apprentissage de la musique dès ces débuts, comme elle peut intervenir plus tard, en cours d’une vie de musicien. »

Alexandra Fridricci enseigne aux musiciens une prise de conscience par rapport à son instrument qui dépasse le simple geste.

« Apporter la flûte à votre bouche, par exemple, si vous travaillez depuis des années pendant des heures tous les jours, déclenche beaucoup de choses au niveau émotionnel et du coup, physique. Crispations, tensions, raccourcissements peuvent être évités si on apprend à connaitre tout le mécanisme qui se met en marche dans notre tête et dans notre corps. C’est pour cela que c’est une approche psycho - corporelle, parce qu’un corps en équilibre et bien organisé permettra une meilleure disponibilité mentale. »

Dans le milieu musical, la technique Alexander est utilisée depuis de nombreuses années : elle est enseignée au Conservatoire Supérieur de Paris et dans certains conservatoires régionaux. Selon Alexandra Fridricci, 80% des musiciens viennent se former à la technique Alexander après avoir tout essayé pour soulager les douleurs, et nombreux souffrent des pathologies dues à des années de mauvaise pratique :« Ils doivent réapprendre à jouer. Cela demande une grande motivation et un investissement particulier, parce que souvent, il faut tout changer – ce qui n’est pas facile ! Mais effectivement, on peut désapprendre les mauvaises pratiques liées à notre instrument et du coup, soigner et faire disparaître la douleur. » A la Maîtrise de Radio France, la technique Alexander est enseignée depuis une quinzaine d’années, au point à devenir un réflexe. La porte du bureau de Véronique Marco est toujours grand ouverte :

« Parfois, les Maîtrisiens viennent me voir en dehors du cours, en période chargée, pour les aider de gérer le stress ou le trac. » Le travail avec les plus jeunes passe par une approche plus ludique : « Les jeunes n’ont pas la même concentration ni la même capacité d’intériorisation que les adultes, mais avec le temps on peut activer cet élément de conscience pendant l’exercice de chant. Il s’agit d’abord de prendre conscience de son corps, ce qui est une vraie difficulté quand il s’agit des ados, notamment. Parfois, j’interviens en plein cours de chant, et on observe ce qui se met en place et comment rester libre et détendu au niveau des cordes vocales. Décontracter les épaules, le cou, ouvrir la cage thoracique, travailler sa respiration, tout cela s’apprend ! »

Un apprentissage qui nécessite une guidance dans un premier temps, mais qui, à terme, transforme vos habitudes de vie :

« A force de travailler la technique Alexander en lien avec votre instrument, vous finissez par l’appliquer sur tout ce que vous faites : vous apprenez à vous baisser, vous déplacer, attraper un objet, et même lire ou vous exprimer différemment ! »


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